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5G : un levier de compétitivité technologique pour l’agriculture mais quand et à quel prix ?

Depuis l’annonce en 2020 de la vente aux enchères des bandes de fréquences allouées aux réseaux mobile dits de « 5ième Génération », il n’est pas une semaine où une personne nous explique selon ses « orientations » que la 5G va être soit une révolution, un vecteur de productivité, une technologie essentielle pour l’avenir ou à contrario un non-sens technique, écologique, économique ou sanitaire.

Pour autant, loin de tous ces chahuts médiatiques et politiques et effets de moulinets d’experts en tout-genre, chez COPEEKS, nous déployons chaque jour nos solutions dans des exploitations agricoles en France et à l’étranger et nous en retirons une expérience et une connaissance terrain de plus en plus précises concernant l’usage des technologies radio mobile. 

L’élément essentiel à nos yeux, est de pouvoir les utiliser pour répondre à un usage identifié, un besoin clair exprimé par nos clients, pour un coût de fonctionnement qui peut être intégré dans le modèle économique. 

Aussi, même si la 5G peut nous apparaître intéressante en tant que « concept / norme », il est important de garder à l’esprit qu’il reste une longue route (5 à 10 ans ?) avant qu’elle ne puisse être déployée opérationnellement et efficacement dans des solutions numériques pour accompagner les exploitations agricoles sur le tout le territoire.

Une question de couverture

La première question que nous posons à nos clients quand nous déployons un équipement PEEK doté de technologies de communication radio (Wifi, 3G, 4G, LoRA) : Recevez-vous vos appels téléphoniques quand vous êtes dans votre bâtiment d’élevage ? A quel opérateur êtes-vous abonné ?

En effet, pour déployer un service numérique efficient, il est nécessaire de disposer à minima d’une liaison vers l’internet à un débit raisonnable ( > 2G). Or, l’aménagement et le déploiement des antennes mobiles réalisés par les opérateurs nationaux sont liés à un nombre d’utilisateurs potentiels et des flux de trafic (le marché) sur une zone de couverture géographique définie. Aussi, Il est bien évident que la majeure partie des exploitations agricoles étant loin des zones urbaines, leur couverture par des antennes mobile reste aléatoire. Même si des efforts sont réalisés, (Le pacte « New Deal Mobile » oblige par la loi les acteurs territoriaux et les opérateurs à couvrir les zones dites « blanches »), une densification des antennes est peu probable sur ces territoires même avec l’avènement de la 5G. En effet, cette norme revendique un usage de son spectre de fréquence tant pour connecter des réseaux d’objets connectés (actuellement portés par les technologies SixFox, LoRaWAN) que pour véhiculer des flux de données massifs via des connexions ultra-haut-débit. Pour réaliser ce pari, il sera nécessaire de déployer des « points hauts » additionnels ou des « micro-cells » et d’amortir ces déploiements par des services numériques à très forte valeur-ajoutée pour établir un modèle économique à l’équilibre pour les opérateurs. Aussi, dans les plans d’investissements des acteurs territoriaux ou d’organisations coopératives situés en zones faiblement urbanisées, la création et la gestion de « points hauts 5G » peut devenir un élément de différenciation et d’attrait territorial dans les 5 années à venir.

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Ajuster les formats et les volumes transmis

L’autre élément d’importance quand une zone géographique est en couverture faible concerne la composition des flux de données que l’exploitation doit émettre à minima vers l’internet pour disposer des services numériques auxquels l’exploitant a souscrit. 

A bannir en zone de faible couverture, tout ce qui est ‘lourd’ en termes de volume de données (flux vidéo ‘streamés’ depuis des caméras, flux de déport d’écrans (Teamviewer, PcAnyWhere, etc..), connexions permanentes, transfert de gros fichiers). 

Pour pallier à ce faible niveau de connectivité, il faut travailler et réfléchir différemment en analysant les données au plus près de l’endroit où elles sont captées (faire de l’ingénierie de réseaux), prévoir de les archiver et sécuriser localement et de ne transmettre que l’information qui a une « vraie valeur ajoutée » pour l’utilisateur final. 

Un exemple : plusieurs séquences vidéo d’une durée d’une minute peuvent être captées par un boîtier COPEEKS. Au lieu de transmettre vers l’internet, la séquence vidéo d’une minute acquise (taille moyenne du fichier vidéo / qualité HD : 100 Moctets), cette dernière va être analysée immédiatement localement dans l’équipement PEEK en utilisant une approche dîte de « Edge Computing ». Pour ce faire, un ou des réseaux de neurones résidants dans l’équipement PEEK vont décortiquer image / image la séquence vidéo et identifier le nombre d’animaux présents dans chaque scène, leur posture (debout/couché), le niveau d’activité (l’amplitude des déplacements), les zones occupées (mangeoire, buvette, etc… La séquence « source » restera dans le boîtier, si elle offre une valeur ou sera supprimée à l’issue de l’analyse. Les données résultantes de l’analyse (la valeur ajoutée) par les algorithmes de Deep Learning seront quant à elles transmises vers le serveur Cloud (Cloud Computing) et comme elles ne pèsent pas en volume (quelques 100aine d’octets tout au plus), la transmission peut se réaliser sur des liaisons à débits modérés. 

Par cette démarche plus technique, le modèle devient plus vertueux car l’empreinte carbone se réduit, l’évasion de trafic brut vers l’internet est limitée, ce qui conduit à des volumes moindres de données brutes à l’extérieur de l’élevage et une consommation maîtrisée de bande passante.

Il en va de même pour les flux de données de capteurs, de systèmes de pesée, de compteurs d’eau ou encore la taille des photos prises et transmises – (aujourd’hui la grande majorité des réseaux de neurones travaillent sur des tailles d’images proches du format VGA (640×480) pour être efficaces en temps de traitement), il est donc inutile en 2021 de transmettre des contenus en format HD.

Quel volume de données à transmettre à l’extérieur des élevages ?

Aujourd’hui, le modèle économique de tous les opérateurs télécoms repose sur un abonnement mensuel permettant de véhiculer des flux de données massifs via des terminaux mobiles multimédia de plus en plus puissants et interagissant en temps réel avec des plateformes services actives sur des « Cloud » répartis aux quatre coins du globe. 

Ce modèle n’est pas le plus adapté pour les services numériques proposés au sein des exploitations agricoles. En effet, est-il pertinent d’augmenter les flux de données vers l’internet alors que l’utilisateur principal des données est localisé au sein de son exploitation les ¾ du temps ? L’information essentielle, les indicateurs modélisés sur la base d’informations brutes qui sont captées par des sondes, caméras, sont en effet à exposer à d’autres tiers (conseillers, techniciens, vétérinaires, etc…) et sont à émettre vers l’internet. A contrario, toute la matière brute qui a servi à les forger (plusieurs millions de données issues de capteurs, plusieurs heures de séquences vidéo, plusieurs milliers d’images) n’a pas besoin d’être transmise à l’autre bout du territoire. Son archivage peut offrir une utilisation future pour ré-entraîner des modèles ou pour développer de nouveaux indicateurs

En effet, aujourd’hui, les puissances de calcul pouvant être embarquées dans les systèmes numériques (Embedded computing), permettent de traiter, analyser et valoriser localement les données, et de faire passer un ou plusieurs réseaux de neurones sur ces mêmes données. La démarche concerne également l’archivage et la sécurisation locale au sein de l’élevage limitant ainsi toute évasion de trafic non-pertinent vers l’internet. Le terme de « Dataculteur » pourrait alors trouver tout son sens.

Un axe d’usage de la 5G dans ce contexte, consistera à déplacer les calculs intensifs au niveau des antennes les plus proches des élevages permettant ainsi d’utiliser l’infrastructure de l’opérateur comme un facilitateur de services et non un simple réseau de transport managé. Le modèle économique nécessite d’être travaillé mais il fait sens.

Re-penser la structure des bâtiments et le concept de « Farm Area Network »

L’autre point à considérer quand des technologies de communication sont utilisées en exploitation agricole concerne d’un côté la répartition des équipements numériques devant communiquer avec l’internet (exemple : Ventilation du bâtiment d’élevage de volailles, robot de traite, caméras intelligentes en atelier « porc », station météo en parcelle, guidage RTK du tracteur) et le niveau de connectivité nécessaire pour transmettre ou recevoir toutes ces informations. 

Aujourd’hui, chaque fournisseur / équipementier reporte la charge et la gestion de la connectivité à l’exploitant agricole via une liaison filaire (ADSL) ou satellite (ex : NordNet) voir parfois 4G afin qu’il puisse utiliser toutes les fonctionnalités, mettre à jour son système et bénéficier d’un SAV réactif.

Dans un élevage, il n’est pas rare de constater que plusieurs technologies et points d’accès (Adsl, 3G/4G, Wifi) ont été mis en place pour communiquer les données de l’élevage vers des environnements SaaS situés à plusieurs milliers de kilomètres. La restitution de l’information se réalise via sur des tableaux de bord graphiques ou des applications mobile sur le téléphone de l’éleveur qui ne peut les consulter en direct depuis ses salles d’élevage faute de signal. En fait, la donnée collectée dans l’exploitation fait la moitié du tour de la planète pour finalement être affichée et consultée localement sur le téléphone de l’éleveur.

Pour les prochaines décennies, les enjeux de rénovation des bâtiments agricoles sont souvent focalisés sur les aspects thermiques, bien-être et fonctionnels. Trop rarement, la transmission et la réception des données depuis les salles d’élevage est considérée. Pourtant le levier de productivité et de compétitivité est bien à ce niveau, notamment avec l’arrivée prochaine de systèmes robotisés dans les filières porcs et volailles jusqu’ici faiblement robotisées. Les matériaux et les aménagements techniques utilisés (plafonds métalliques ‘perfalu’, béton armé, moteurs, ondes parasites, etc..) sont des freins à la pénétration des ondes dans les salles et entre salles d’élevage, limitant fortement l’usage de solutions numériques. 

Avant même d’envisager d’implanter des technologies 5G sur une zone ou un territoire agricole, la question essentielle qu’il faut se poser, est celle d’aménager un réseau / une infrastructure télécom au sein de l’exploitation (comme le font toutes les entreprises « tertiaires » ou « industrielles ») en mixant les technologies les plus adaptées aux flux et aux usages envisagés (pilotage régulation, caméras de suivi, détecteurs de vêlage, alarme, faf, etc….), et procéder à une sécurisation complète de l’installation en la rendant résiliente en cas de rupture de la ligne de communication principale.  

Si dans les 5 années à venir, la 5G couvre cette zone géographique, alors il suffira à l’exploitant de basculer ses flux sur ce nouveau réseau sans surcoût d’aménagement au sein de l’exploitation et pouvoir bénéficier des nombreuses fonctionnalités envisagées.

Pour aller plus loin : Un dossier « 5G et agriculture », a été réalisé dans le cadre des études d’opportunité de la Chaire AgroTIC. Ce dossier est disponible pour téléchargement sur le site (www.agrotic.org).

Accès au document : 

https://www.agrotic.org/wp-content/uploads/2019/10/5G-et-Agriculture_Janvier21_ChaireAgroTIC.pdf

Ce dossier résulte d’un travail de documentation (de sources très variées) et d’écoute de différents acteurs du secteur agricole et de l’AgTech (dont la société COPEEKS). Il propose une vision, à date, de ce que promet la 5G et de l’opportunité qu’elle pourrait offrir pour le secteur agricole. Il présente pour cela une analyse sur la base de différents cas d’usage agricoles.